A Poitiers comme ailleurs, les enseignant-es, enseignant-es-chercheur-ses et personnels BIATSS subissent depuis plusieurs années une dégradation importante de leurs conditions de travail.
Mais c’est aussi et surtout la perte de sens du travail et les contradictions incessantes auxquelles ils et elles sont confronté-es qui les épuisent : comment continuer à accueillir les bachelier-es, maintenir de bonnes conditions d’études mais aussi assumer les missions de recherche (dans un contexte toujours plus compétitif)… tout en préservant leurs conditions de travail et leur santé ? L’engagement des collègues est remarquable mais il ne sera pas possible de faire peser plus longtemps sur elles et eux cet accroissement des charges. Dans ce contexte, la création d’ambassadeurs et ambassadrices “Qualité de Vie au Travail” ne saurait constituer une réponse à la hauteur des difficultés.
La responsabilité des puissances publiques est immense dans cette situation. Avant même la pandémie, la hausse massive ![](https://upmail.univ-poitiers.fr/service/home/~/?auth=co&loc=fr_FR&id=292928&part=1.2.3 =499x350)du nombre d’étudiant-es s’est faite sans moyens supplémentaires : l’arrivée massive des 200 000 nouveaux étudiant-es en 5 ans (dont plus de 100 000 dans les universités - voir chiffres ESR) correspond aux effectifs de plusieurs universités. Le ministère écrit lui-même ici : “Depuis 2013, … les écarts entre filières ont tendance à se creuser. La dépense par étudiant·e à l’université recule de façon marquée (- 12,6 %) en raison d’une progression des effectifs (+ 10,2 %) beaucoup plus rapide que celle de la dépense totale (+ 1,2 %)” !! Le ministère communique sur l’augmentation du nombre de places en Licence mais en Licence, ce sont 2000 € qui seront accordés pour chaque nouvelle place alors que le coût moyen est de 9000 € et que les financements d’un étudiant·e en STS et CPGE atteignent 15 000 € (voir ICI). Le nombre de postes d’EC mis aux concours était de 2209 en 2016; il a été de 1707 en 2021 (voir ICI). Le Snesup-FSU estime qu’il manque 3 universités moyennes et 9000 postes toutes catégories confondues pour remettre l’ESR à flot. Les universités sont devant des choix impossibles : Dégrader les conditions d’études ? Dégrader les conditions de travail ? Abandonner les missions de service public ? Jouer la carte de l’élitisme ? Cette politique ouvre en même temps une voie royale pour les formations d’enseignement supérieur privées : l’offre du privé a augmenté de 50% sur Parcoursup (Voir ICI notre article sur l‘explosion des inscriptions dans le privé). La précarité dans les universités ne se résorbe pas, la raréfaction des postes bouche l’avenir des doctorant-es qui enchainent post-doc et contrats précaires sans perspectives réelles.
Tout cela n’est pas qu’un mauvais moment à passer. On le sait, le nombre d’étudiant-es va rester élevé pendant une dizaine d’années. La situation dans laquelle se trouve aujourd’hui l’enseignement supérieur relève donc d’une volonté politique d’affaiblissement du service public, de mise en concurrence déloyale avec le privé, comme c’est le cas dans le secteur de la santé, et dans l’enseignement secondaire.
En contexte de pandémie, nous n’avons pour autant pas été épargnés par de nouvelles mauvaises réformes : la loi LPR a été promulguée le 24 décembre 2020, la réforme du BUT avance à marche forcée pour une mise en application en septembre 2021 au mépris total de la santé des équipes pédagogiques chargées de mettre en place une réforme dont ils ne connaissent pas tous les paramètres. La réforme de la formation des enseignant-es est imposée à la rentrée malgré les incohérences, l’opposition massive des personnels et les questions encore en suspens… La certification obligatoire des langues en licence par des « opérateurs » extérieurs est en marche. La réforme des études de santé se fait dans un désordre inédit, laissant de nombreu-ses étudiant-es sur le bord de la route, et sans que les nombreuses incertitudes soient levées. Mais ce n’est pas assez… Les réformes sur les statuts des Enseignant-es-Chercheur-ses sont en préparation (avancement de grade, gestion des primes, des recrutements, des HDR… voir appel de la CP-CNU).
C’est dans ce contexte que l’université de Poitiers prépare la nouvelle offre de formation.
Toutes les composantes sont désormais confrontées à des enjeux de soutenabilité et aux mêmes dilemmes : en SHA, il est demandé de réduire l’offre de formation de 49 000 à 43 000h éq. TD, soit une baisse de 12%, alors que le sous-encadrement est chronique, en particulier en Psychologie et Sociologie, et que, de 2012 à 2018, l’effectif étudiant en SHA a crû de 40% (restant stable depuis 2018). En SFA l’offre doit baisser de près de 6000h soit près de 10% alors que l’UFR a connu une augmentation de 30% du nombre d’étudiants en 3 ans. En LL, les effectifs sont également en hausse dans les différentes formations (espagnol, anglais, LEA…), sans augmentation du nombre d’enseignant-es (ce qui empêche une participation satisfaisante aux UE transversales). Les enveloppes « cibles » des composantes sont déterminées à partir des moyens (taux de recouvrement) et non des besoins. La multiplicité des indicateurs, la difficulté à comprendre les critères créent des tensions supplémentaires et inutiles.
![](https://upmail.univ-poitiers.fr/service/home/~/?auth=co&loc=fr_FR&id=292928&part=1.2.4 =631x331)
Les collègues des sections SNESUP-FSU de l’université de Poitiers, réuni-es le 23 juin 2021, font le constat d’une situation très dégradée pour les personnels. Ensemble, ils et elles expriment leur “ras-le-bol”, leur épuisement, leur colère et leurs inquiétudes pour la rentrée prochaine. Ils et elles demandent qu’un état des lieux soit établi sur l’emploi des non-titulaires à l’université, que soient discutées les conditions de travail des contractuel-les de langue, que soient éclaircis les critères utilisés pour déterminer les enveloppes cibles des composantes, et que les discussions se fassent dans la transparence à l’échelle des composantes comme de l’établissement pour éviter les risques de suspicion et division. Ils et elles seront vigilants à l’égalité de traitement des composantes. Ils et elles demandent à être soutenus contre les mauvaises réformes en cours.
Le SNESUP-FSU demande à être reçu par la présidence de l’université afin de faire le point sur la situation : quels moyens sont dégagés pour permettre aux personnels de faire face à leurs missions dans de bonnes conditions ?